Abimes State I

2019

"Abîmes 2019"

Mapping // 5.1 Sound // Generative 3d Water 3d Print from 3D covered with gold leaf / gold-leafed

Exposition "Abîmes"

Space Collection Liège, 2019.

Réalisée numériquement sans la moindre image filmée, la vidéo de Ronald Dagonnier montre un tourbillon noir. Son bouillonnement est soutenu par le vacarme d’une eau agitée. Des reliefs produits par une imprimante 3D en reprennent les moments les plus plastiques. Ils figent le mouvement des volutes mais en préservent la force. Le processus matérialise le calcul informatique d’un objet qui n’existe pas dans notre réalité mais en reproduit quelques principes - ceux d’un maelström par exemple -, comme dans une nature reconstituée. Le choix de la dorure à la feuille ouvre encore plus grand le spectre d’interprétation. Dagonnier déclare dans cet ordre d’idées ne pas être ennuyé « qu’Abimes puisse être lue en dehors de ce que j’y ai placé : cela ne me dérangerait pas qu’on y reconnaisse des allusions non préméditées, aux désastres des migrants par exemple. » Ainsi peut-on - peut-être par facilité, fatigue ou indolence - revenir à la poétique de l’œuvre ouverte, selon laquelle le message d’une création artistique serait ambigu, recèlerait une pluralité de sens et offrirait l’occasion à ses regardeurs de s’y projeter librement.

Ceci dit, Ronald Dagonnier ne nous abandonne pas complètement. Dans la puissance figurative des reliefs, de la vidéo ou par le titre de l’exposition, il livre bien quelques indications. Son travail a à faire avec le vide, le gouffre très profond, la noyade, l’asphyxie, l’énergie menaçante, le néant, l’immensité effrayante, la puissance des éléments déchainés mais aussi avec une mise en ordre dans le genre des récits de la Création. Et l’artiste de confirmer : « Je travaille sur le Tohu Bohu ». De nouveau, la question de l’agitation confuse revient, mais il y a aussi l’acception biblique : dans la Genèse, la Terre est le Tohu Bohu, ténèbres sur la face de l’abîme dont la vidéo rend la force inquiétante, l’avancée inéluctable. C’est une nature qui nous enveloppe et nous comprend ; son extrême amplitude nous dépasse ; on ne l’analyse pas ; elle est sublime.

Digitally created without a single filmed image, Ronald Dagonnier's video shows a black whirlpool. Its swirling is supported by the roar of agitated water. Reliefs produced by a 3D printer capture the most plastic moments, freezing the movement of the eddies but preserving their force. The process materializes the computer calculation of an object that does not exist in our reality but reproduces some of its principles - such as those of a maelstrom - as in a reconstructed nature. The choice of gilding with gold leaf further widens the spectrum of interpretation. In this regard, Dagonnier states that he is not bothered "that Abimes may be read outside of what I have placed in it: it would not bother me if allusions to the disasters of migrants were recognized in it, for example, without prior intention." Thus, perhaps out of convenience, fatigue, or laziness, we can return to the poetics of the open work, according to which the message of an artistic creation would be ambiguous, contain a plurality of meanings, and offer the opportunity for its viewers to project themselves freely into it.

That being said, Ronald Dagonnier does not completely abandon us. In the figurative power of the reliefs, the video, or the title of the exhibition, he does provide some indications. His work deals with emptiness, a very deep abyss, drowning, asphyxiation, threatening energy, nothingness, frightening immensity, and the power of unleashed elements, but also with an ordering in the genre of creation stories. And the artist confirms: "I am working on the Tohu Bohu." Once again, the question of confused agitation arises, but there is also a biblical interpretation: in Genesis, the Earth is the Tohu Bohu, darkness on the face of the abyss whose video renders the ominous force, the inexorable advance. It is a nature that envelops and understands us; its extreme amplitude surpasses us; we do not analyze it; it is sublime.

Pierre Henrion, 2019.

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